Il est fréquent lors des assemblées générales de copropriétaires que les majoritaires votent une décision dans leur intérêt propre et dans un intérêt contraire à celui de la copropriété. C’est la théorie de « l’abus de majorité ».

Mais, l’abus de minorité est lui, beaucoup moins connu. Pourtant, il arrive que les minoritaires s’opposent à certaines résolutions et ce alors même que l’intérêt de la copropriété voudrait que ces résolutions soient adoptées. Ils usent de ce que l’on appelle, la « minorité de blocage ».

Il est alors possible, pour le copropriétaire qui estime qu’il y a eu abus de minorité de demander l’annulation de cette décision (qui sera donc forcément une décision de rejet) dans les conditions prévues à l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

Il faudra assigner le syndicat des copropriétaires en nullité de la décision.

Mais, si la nullité de la résolution est prononcée quelles en seront les conséquences ?

La nullité sera-t-elle alors opposable à tous les copropriétaires ?

Par ailleurs, le juge pourra-t-il se substituer à l’assemblée générale des copropriétaires pour faire voter la résolution contestée?

  1. Sur la représentation des minoritaires et l’opposabilité de l’annulation de la décision contestée

L’action en nullité doit être dirigée contre le syndicat des copropriétaires.

La nullité de la résolution éventuellement prononcée par le juge sera opposable à tous les copropriétaires et donc même à ceux qui n’auraient pas sollicité cette annulation.

Cependant, il faut souligner que lorsque l’annulation a des conséquences sur certains droits privatifs, il a été jugé que les copropriétaires bénéficiaires de ces droits privatifs doivent avoir été personnellement parties à l’instance pour se voir opposer l’annulation de la résolution.

Cette mise en cause des copropriétaires concernés vaudrait, a priori, quel que soit le fondement de la demande en nullité (abus de minorité, majorité, irrégularité….).

La Cour de cassation a en effet jugé que les copropriétaires personnellement concernés par la résolution annulée n’ont pu être effectivement représentés par le syndicat pour la défense de leurs droits.

Ils sont d’ailleurs recevables à former tierce opposition (appel réservé sous certaines conditions aux tiers) à la décision rendue.

  1. Sur la possibilité pour le tribunal de se substituer à l’assemblée des copropriétaires

En général les juges se refusent à s’immiscer dans la gestion de la copropriété.

Certaines exceptions sont cependant prévues par la loi :

  • La modification des bases de la répartition des charges (article 11 al 3, loi 1965)
  • L’autorisation d’effectuer les travaux d’amélioration refusés par l’assemblée générale (article 30 al 4 loi 1965).

Dans ces deux cas, le juge se substitue souvent à l’assemblée générale qui a vu sa décision annulée.

On trouve cependant certaines hésitations jurisprudentielles où la Cour de cassation admet que le juge se substitue à l’assemblée générale.

Mais la Cour a, plus récemment, penché en faveur de la non-immixtion du juge dans l’administration de l’immeuble en copropriété.

Une nouvelle décision d’assemblée générale semble donc nécessaire.

D’ailleurs, rien n’interdit que la nouvelle décision soit votée à l’identique de la précédente.

Certains, pour éviter un nouveau blocage préconisent la même solution que celle retenue en matière d’abus de majorité dans le cadre du droit des sociétés à savoir la désignation en justice d’un mandataire ad hoc.

Un mandataire serait alors désigné en justice pour voter aux lieu et place des copropriétaires ayant abusé du droit de vote (qu’ils soient majoritaires ou minoritaires).

Cette solution est déjà prévue dans certains cas en copropriété (décret du 17 mars 1967 articles 54 et 56).

  • Article 54 « Chaque fois qu’une action en justice intentée contre le syndicat a pour objet ou peut avoir pour conséquence une révision de la répartition des charges, et indépendamment du droit pour tout copropriétaire d’intervenir personnellement dans l’instance, le syndic ou tout copropriétaire peut, s’il existe des oppositions d’intérêts entre les copropriétaires qui ne sont pas demandeurs, présenter requête au président du tribunal de grande instance en vue de la désignation d’un mandataire ad hoc. Dans ce cas, la signification des actes de procédure est valablement faite aux copropriétaires intervenants ainsi qu’au mandataire ad hoc. »
  • Article 56 : « Tout intéressé peut demander au président du tribunal de grande instance, statuant sur requête, de désigner un mandataire ad hoc pour ester en justice au nom du syndicat lorsque celui-ci est partie dans une instance relative à l’exécution de la construction de l’immeuble, aux garanties dues ou aux responsabilités encourues à cette occasion, si le syndic, son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, leurs commettants ou employeurs, leurs préposés, leurs parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclus ont, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, même par personne interposée, participé à ladite construction ».